Exposition Anders Petersen à la BNF

Courrez à la BNF voir la rétrospective d'Anders Petersen! Ce photographe suédois né en 1944 fut l'élève de Christer Strömholm et le professeur de JH Engström tous deux actuellement exposés à l'Institut Suédois. (courrez-y aussi) La filiation Strömholm, Petersen, Engström est d'ailleurs fort intéressante, les trois artistes abordant la photographie d'une manière similaire.

L'exposition consacrée à Petersen s'ouvre sur une première partie qui vous immerge de manière frontale voire brutale dans le monde de l'artiste. Les photographies dans des formats assez grands sont accrochées du sol au plafond, les tirages sont très bien travaillés, les contrastes sont puissants, la lumière y est vibrante. Petersen comme son maître et ami Strömholm n'est guère intéressé par la technique, pour lui elle importe peu car "vous n'êtes pas sensés être esclave de vos outils". C'est un photographe presque sociologique qui s'intéresse principalement à ses sujets et les immortalise de manière précise et acérée. Ses photographies sont intenses et l'effet de masse de l'accrochage renforce cela.

La suite de l'exposition s'articule autour des séries qui ont fait sa renommée comme Café Leibnitz (1967-1970) ou Mental Hospital (1993-1995). Les formats moins imposants cette fois vous forcent à vous approcher des images, à les observer et à rentrer petit à petit dans ces univers très clos. Le spectateur adopte alors la démarche de Pertersen lorsqu'il a intégré ces différents groupes de personnes pour les prendre en photo, cohabitant avec eux parfois pendant des années dans l'intention d'être toujours plus proche. Il travaille au 35mm ce qui l'oblige à être dans l'action. C'est un photographe de l'intime, il fait partie intégrante des scènes qu'il photographie. Il se dégage de ses images une sorte de familiarité, sans jamais aucun voyeurisme, il nous offre à voir une réalité crue mais souvent empreinte d'une grande sensibilité. On sent une certaine forme d'honnêteté vis à vis des sujets photographiés. Il est curieux et patient, il pénètre des milieux fermés, finit par en faire partie, déclenche au bon moment.

Sans explications écrites ou autres théories, juste quelques citations et un petit film où on voit le photographe à l'oeuvre (avec ses modèles, ses élèves, et dans ses moments de doutes), le spectateur est libre d'interpréter les clichés selon ses propres références et son ressenti. Cette exposition est une rencontre avec les personnes photographiées par Petersen et indirectement une rencontre avec l'artiste. En effet le médium photographique est pour Anders Petersen un moyen d'aller à la rencontre des autres et c'est à travers l'autre qu'il essaie de se comprendre lui-même. Même si avec les années de pratique il prend conscience de ce qu'il fait et de sa démarche, il tente toujours de maintenir un regard innocent, sans jugement, il dit travailler avec son coeur et ses tripes. Il n'est pas un photographe de l'idée, pas un adepte d'une photographie cérébrale et intellectuelle. Seuls les gens, les instants, l'ombre et la lumière comptent. C'est un photographe intuitif qui ne pense pas avoir un style mais plutôt une approche.